mercredi 9 mai 2012

Les yeux ou le reflet du néant.

Nous sommes en l’an 2012. Il y a deux fois le chiffre deux dans cette année et pourtant nous n’avons jamais été si seuls. Les fidèles solitaires c'est-à-dire ceux qui font partie du club à peu prêt depuis leur naissance se retrouvent de nouveaux compagnons de route. Le mur de la matrice commence à s’effondrer. L’iceberg dont on n’a  toujours aperçu que le bout supérieur commence à faire surface et à exposer sa grandeur. On raconte que la décadence n’a jamais été aussi visible mais en réalité on est juste en train de recouvrer la vue.

Ceci était une introduction. Maintenant je voudrais vous parler de mes yeux à moi, ceux-là qui vivent autant de la beauté que de la laideur du monde. Mes yeux ont peut-être commencé à voir tardivement. Enfant, j’ai mis du temps pour marcher, dire que je savais qu’on devrait se garder de  mettre les pieds sur terre. Je me déplaçais comme je pouvais et ça m’allait parfaitement de rester « en bas », dans un monde miniature, fouillant les tapis à la recherche de trésors enfouis. Mais les règles du jeu voulaient que je me mette debout et apprenne à contempler les gratte-ciel. Que le spectacle commence donc. Sauf qu’on ne change pas les « mauvaises habitudes » et pour faire simple, disons que mes yeux devenus pudiques ont porté un voile. Ce voile ne servait pas à grand-chose si ce n’est à poser un millimètre de distance entre moi et ce qui m’entourait de gens et d’objets. Sans ce millimètre là, aucun mot n’aurait atterri ici, je ne serais pas en train d’écouter de la musique classique en ce moment même et je serais probablement en train de réviser  pour réussir humblement mes examens. Mais il y a le voile. Vous vous rappelez du monde miniature de mon enfance ? Et bien quand j’ai posé les pieds sur terre, c’est moi qui étais devenue miniature. Et ayant le don (malédiction ?) de ne pas ressentir les choses à moitié, j’appris à vivre en simple figurine.
L’ironie du sort c’est que quand on est de ces gens-là, on dérange les autres. Je sens dans leur regard des interrogations culpabilisantes. Je les sens vouloir me demander pourquoi je ne plonge pas dans la boue avec eux au lieu de rester « pure ». Pourquoi je n’ose pas prendre le train en marche au lieu d’être toujours en avance ou en retard. Pourquoi je ralentis l'enchaînement naturel de leur danse macabre…
Nous sommes en l’an 2012. Il y a deux fois le chiffre deux dans cette année et pourtant nous n’avons jamais été si seuls. Car il y a ceux qui se perdent en voulant entraîner les autres avec eux et il y a ceux qui sont déjà perdus mais n’osent retrouver leur route.
Entre-temps, moi, mon voile et mes yeux attendons que les rideaux se lèvent…

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